Ma mère m’a toujours enseigné ceci : « la première impression est souvent la bonne ».
Etant d’un naturel optimiste et plutôt du genre à ne pas m’encombrer de demi-mesure (et insolente avec ça), j’ai très vite pris la liberté de reformuler ce sage adage ainsi : « la première impression est TOUJOURS la bonne ».
Et dans la mesure du possible, j’essaye de m’y tenir.
Ca marche avec les personnes et tout le reste, mais surtout avec les personnes.
Voilà qui est sans doute un vilain défaut (voire une profonde injustice) mais le fait est que je laisse rarement de deuxième chance à ceux qui, au premier abord, me laissent une sale impression. Je n’ai pas envie d’aller plus loin avec ces gens-là, ni même de les connaître et encore moins de me laisser convaincre par autrui que oh-mais-attends-j’te-jure-qu’en-soirée-c’est-un-type-très-drôle. Décidément, non.
Alors souvent, je me dis que je passe sans doute à côté de gens peut-être super à cause de ce fichu adage que je me récite mentalement comme un petit haïku. La faute à mon impatience, à mon côté légèrement radical sur les bords, à mon manque de coeur et d’humanité (celui que la légende 2.0 a rendu célèbre) ? Je ne sais pas. Faire le choix de filtrer les personnes au risque de rater de jolies rencontres, quel dilemme de chien, mais que voulez-vous, la politesse a ses limites. Et comme dirait Lucette, qui est bien pauvre : c’est l’jeu.
Mais quand la providence met sur votre chemin une personne avec qui ça colle dès la 11ème seconde, notre bon vieux dicton prend tout son sens. Car de temps en temps – évidemment, cela n’arrive pas tous les jours, sans cela la vie serait trop chouette et nous n’aurions plus personne à critiquer – surviennent ces petites rencontres inoubliables où l’on sait tout de suite que l’on est tombé sur une bonne personne, ces petits moments magiques où l’on discute avec quelqu’un pour la première fois et où l’on a envie de répondre à toutes ses affirmations par : « Mais ouais, c’est trop ça !« . Ces rencontres où les choses se passent comme si on les avait soi-même prévues, où tout glisse à merveille. Et ces personnes-là, à peine les connaît-on qu’on voudrait pouvoir passer des soirées entières avec elles, à manger des gaufres de fête foraine en regardant de vieux épisodes de Star Trek.
J’ai ainsi toujours considéré que le vrai cool est un être qui se décèle en moins d’une minute si l’on sait se fier à son instinct.
Les premiers mots que Nicoz m’a adressés quand je l’ai rencontrée étaient : « Désolée mais j’ai mangé de l’ail« . Et de toute évidence, une personne qui vous accueille en signalant d’emblée avoir mauvaise haleine est forcément quelqu’un de cool (selon ma définition du cool qui, si elle n’est pas universelle et sans doute discutable, me semble quand même relativement fiable). Quand cette même personne vous parle de Sonic Youth en disant « Je ne sais pas pourquoi j’écoute autre chose que ça parce qu’après tout, il y a TOUT dans leur musique, ils ont tout inventé », le test de coolitude est remporté haut la main. Et puis quand cette personne-là démarre une playlist en disant « Je vais mettre le groove dans le salon » et que résonnent les premières notes de Blister in the Sun, on sait qu’on a forcément affaire à une chouette personne, une vraie de vraie . Surtout quand la personne en question est – comme moi – adepte de l’écoute en boucle (sachez que j’écoute grosso modo la même playlist depuis 2001) (mais je vais bien).
On a donc passé l’après-midi à écouter les Violent Femmes (et tout le monde n’écoute pas ce groupe, ce qui est regrettable quand on y pense) et le bruit du dermographe, à regarder des photos de poules sur Google Images, à parler d’enfants et d’allaitement long, des joueuses de roller derby et de leur tolérance toute relative à la douleur , des gens qui portent un prénom sur mesure, de ses dessins et de ses brave people, des caractéristiques capillaires des bébés à la naissance et puis des malpolis tripoteurs de bras qui croient que le corps d’une personne tatouée relève du domaine public. Et d’un tas d’autres trucs encore. On s’est mutuellement reluqué les bras en échangeant des noms d’artistes, un peu comme les gens d’une même tribu, et puis on a partagé une barre de pâte de noisettes pour le goûter en guise de calumet de la paix.
Et quand est venue l’heure de se dire au revoir, j’en ai déduit cette seconde caractéristique des vrais cool, celle qui veut qu’en leur compagnie, le temps passe décidément toujours trop vite.