My favourite book of all time #9

L’autre jour, j’étais là à me demander tout haut ce qui arriverait si je gagnais subitement un gros pactole à la loterie ou si j’héritais d’un oncle d’Amérique mort d’une overdose de crystal meth. Mon vieux mari lui, il a dit qu’il s’achèterait des appartements partout, surtout dans les coins ensoleillés, pour passer le reste de ses jours à se faire dorer les couilles au soleil en buvant des mojitos.

Moi je lui ai dit qu’il irait se faire bronzer les parties tout seul et que personnellement, si je venais à hériter ou à gagner le gros lot, je ne ferais rien que deux choses : m’acheter un perroquet et ouvrir une librairie dans mon garage.

Une librairie dans un village de 300 habitants, ça n’a aucun sens, je sais. Mais vous savez à quel point j’aime ça moi, les projets qui n’ont pas de sens. Ce serait une toute petite librairie, la première et la dernière de mon petit village car sans doute périra-t-elle avec moi. Il n’y aura pas beaucoup de rayonnages, juste assez pour contenir mes livres préférés au monde et aussi tous ceux que j’ai envie de lire. En gros, ce serait comme ma grande bibliothèque personnelle à la différence près qu’on y trouverait chaque titre en plusieurs exemplaires. J’y aurais un joli petit comptoir en vieux bois ciré sur lequel on trouverait aussi des présentoirs de marque-pages et de tampons de bibliothécaire, pour personnaliser ses livres. Et je passerais mes journées à lire de gros bouquins en buvant des tisanes, tout en faisant la conversation à mon perroquet que j’appellerais Lionel . Il y aurait aussi mes chats endormis sur un canapé en velours, et des piles de livres partout. Ce serait une sorte de joyeux petit capharnaüm dans lequel je ne me soucierais finalement pas de vendre quoi que ce soit,  ma petite librairie ouverte pour la postérité et pour la beauté du geste (et de toute façon, je n’aurais pas besoin qu’elle me rapporte quoi que ce soit vu que, remember, je serais déjà riche) (et divorcée, vu que mon mec sera en train de boire des Pina Colada dans les pays chauds).

Mais bon, en attendant ma petite librairie de campagne, je me contenterai de ma bibliothèque personnelle que je trouve déjà pas si mal, d’autant que j’ai passé environ quatre heures à l’agrandir et à la réorganiser intégralement cette semaine. J’ai même cédé à la tentation de classer certains ouvrages par couleurs comme le font les blogueuses américaines.  Cela m’oblige à avoir parfois des livres de cuisine, des essais sur la grammaire française du XVIIème siècle, des chroniques sur le punk rock, des anthologies de poésie romantique, des récits horrifiques et des contes pour enfants dans la même section chromatique. C’est d’une décadence totale.

Et concernant mon projet de lire les livres préférés des gens, je continue de m’activer car ces derniers temps, les suggestions de lectures affluent à un tel rythme que je peine à suivre.

J’ai commencé par le livre préféré de tous les temps de Valérie, autrice du blog Crêpe Georgette. Il s’agit de L’inimitable Jeeves de P.G. Wodehouse, un auteur sur lequel je me rappelle avoir lu quelque chose qui disait en gros « Il n’y a que deux catégories de lecteurs de Wodehouse, ceux qui l’adorent et ceux qui ne l’ont pas lu ».

Et effectivement, je ne vois guère comment on pourrait lire L’inimitable Jeeves et ne pas aimer ça.

Bertie Wooster est un jeune homme issu de la gentry anglaise qui vit une existence insouciante, confortable et sans aucune contrainte, allant de promenades en visites au club, enchaînant les déjeuners avec ses amis et partageant des points de vue avec Jeeves, son fidèle majordome. Les paisibles journées de Bertie sont toutefois régulièrement ébranlées par les frasques ou intrusions des membres de son entourage : sa vieille tante autoritaire Agatha qui ne pense qu’à le marier à une jeune fille convenable, ses cousins adeptes de mauvaises blagues les menant à des situations déroutantes et bien sûr Bingo, son ami d’enfance qui tombe sans arrêt amoureux d’une fille différente, en étant à chaque fois absolument convaincu qu’il s’agit-là de la femme de sa vie. Cette galerie de personnages hauts en couleurs ne cesse de sortir Bertie de sa routine en le propulsant dans des situations parfois rocambolesques dont une seule et unique personne le tire à chaque fois : Jeeves, le valet de chambre rusé et observateur, sorte de Huggy les bons tuyaux de son époque, qui toujours, parvient à démêler les pires intrigues et à sortir Bertie des situations les plus incongrues.

Chaque chapitre constitue ainsi une nouvelle péripétie au cours de laquelle on retrouve ce  duo Bertie / Jeeves.  Avec à chaque fois, un Bertie insouciant toujours flanqué d’une situation encombrante ou de protagonistes déroutants, et un Jeeves qui arrive systématiquement à la rescousse en déjouant les menteurs et les impostures, élaborant tout naturellement des ruses pour tirer avantage d’une situation et, d’une façon générale, en trouvant toujours le moyen de sortir Bertie de toute mauvaise posture.

Un livre vraiment chouette à lire qui donne envie de s’atteler à tous les autres écrits de Woodehouse et notamment à toute la série des Jeeves. Et ce n’est sans doute pas un hasard s’il y a quelques jours à peine, une lectrice russe parfaitement inconnue me confiait à son tour compter L’inimitable Jeeves parmi ses livres préférés, tout en précisant avoir appelé son chien Jeeves en l’honneur du personnage de Woodehouse car, je cite, elle ne voyait définitivement pas comment l’appeler autrement.

J’ai enchaîné avec un classique de la littérature enfantine, recommandé par Macha, une postcrosseuse russe, au dos d’une carte représentant un vieux monastère en noir et blanc. Son livre préféré est Karlsson sur le toit d’Astrid Lindgren et j’avoue être très étonnée par la récurrence de cet auteur dans les recommandations de lecture que l’on me soumet. Si comme tout un chacun, j’ai vu les versions télévisées de Fifi Brindacier dans mon enfance, je n’avais pas lu un seul livre de Lindgren avant de me lancer dans ce projet et, à chaque fois que je l’entends ainsi citée, je m’évertue à essayer de me rappeler si un instituteur ne nous aurait pas encouragé à la lire pendant mon enfance, ou si la bibliothèque de l’école n’avait pas comporté un de ses ouvrages mais il me semble que non (et de toute façon, j’étais beaucoup trop occupée à lire toute la Comtesse de Ségur et les romans de Laura Ingalls Wilder pour que Karlsson ne m’interpelle).

Mais comme il n’est jamais trop tard pour découvrir un chouette truc, j’ai lu  Karlsson sur le toit à bientôt 35 berges et j’ai plutôt bien aimé. Rappelons qu’il s’agit du second titre d’Astrid Lindgren que je lis puisque nous avions parlé, il y a quelques mois, de son très joli roman Les frères Coeur-de-Lion (dont vous pouvez lire ma chronique ici).

Dans un immeuble ordinaire de Stockholm vivent Svante et sa famille, les Svantesson. Svante est le cadet d’une fratrie de trois enfants – avec sa soeur Britta et son frère Bo – et parce qu’il est le dernier-né, tous les membres de la famille ont pris l’habitude de le surnommer Petit-Frère. Petit-Frère est un petit garçon heureux qui pourtant s’ennuie. Mis à l’écart par ses aînés qui refusent de le laisser participer à leurs jeux, Petit-Frère s’ennuie considérablement et souhaiterait plus que tout au monde un petit chien à défaut d’avoir un ami, car « Maman [a] papa, Bo et Britta sont toujours ensemble alors que [lui il n’a] personne ». Pourtant un soir, alors que seul dans sa chambre, Petit-Frère imagine ce que serait sa vie en compagnie d’un chien, un drôle de bruit de moteur provenant de l’extérieur l’interpelle. Un drôle de petit bonhomme joufflu muni d’une hélice dans le dos vient alors se poser en souriant sur la rebord de sa fenêtre. Il dit s’appeler Karlsson, « Karlsson et rien d’autre » et se présente comme « un homme beau, extrêmement intelligent, bien proportionné et à la fleur de l’âge ». Karlsson prétend aussi habiter une petite maison sur le toit, une maison pleine de machines à vapeurs et de tableaux de coqs. Petit-Frère se réjouit immédiatement de la visite de ce nouvel ami qui jour après jour, lui rend de nouvelles visites en volant jusqu’à sa chambre. Ravi d’avoir enfin un complice et compagnon de jeu, Petit-Frère pardonne à Karlsson toutes ses excentricités et le suit dans ses drôles de jeux. Pourtant, tout le monde dans la maison ne se réjouit pas de cette nouvelle situation. Quand Petit-Frère raconte à sa famille qu’un petit bonhomme vivant sur le toit se rend chaque jour dans sa chambre, grâce à une hélice actionnée par un bouton au  niveau de son nombril, il n’obtient pas la réaction enthousiaste escomptée. Au lieu de se réjouir de sa nouvelle amitié ou de le questionner sur ce mystérieux ami capable de survoler les toits de Stockholm grâce à une hélice située dans son dos, les aînés ne cessent de taquiner Petit-Frère et de se moquer de lui en l’accusant de raconter des sornettes. Ses parents quant à eux, passent de l’indifférence aux réprimandes, lassés d’entendre parler de cet ami imaginaire. Mais que voulez-vous, c’est que Karlsson ne cesse de jouer des tours et à chaque fois qu’il promet à Petit-Frère de se présenter à sa famille, il finit par s’envoler par la fenêtre sans prévenir, laissant Petit-Frère dans l’embarras.

Karlsson sur le toit Karlsson sur le toit est un joli petit roman que vous pouvez faire lire à vos gosses de 7 ou 8 ans si ceux-ci ne sont pas devenus définitivement accros à Plants VS Zombies et s’avèrent encore capables de prendre un livre entre les mains sans faire une crise d’urticaire (je sais de quoi je parle). En plus, les aventures de Karlsson ne s’arrêtent pas là puisqu’il existe deux autres titres qui font suite à ce premier opus : Le retour de Karlsson sur le toit et Le meilleur Karlsson du monde (que je suis en train de lire en alternance avec un bouquin sur Linda Lovelace) (normal).

 

Et enfin, le meilleur pour la fin, comme d’habitude.

Comme il m’a été conseillée par une de mes meilleures amies (on est amies depuis l’époque où on parlait encore de blogosphère sur internet et où j’avais moitié moins d’enfants, ça commence à compter), j’étais à peu près sûre de tomber sur un chef d’oeuvre car que voulez-vous, cette fille a l’avantage de n’avoir jamais mauvais goût (sauf peut-être quand elle essaye de me convaincre de regarder des Rape and Revenge). Spike m’a parlé de son livre préférée au dos d’une carte postale représentant un dharmapala envoyée du Népal et ce jour-là, j’étais doublement, non, triplement contente car : 1) Ca me faisait un nouveau titre de livre à lire, un livre dont je savais à coup sûr qu’il serait tout bonnement génial 2) Je n’avais encore jamais reçu de carte postale du Népal malgré les presque mille cartes postales reçues à ce jour 3) J’y ai vu un signe de la providence car cette carte est arrivée dans ma boîte aux lettres pile le jour d’une excellente nouvelle pour elle et pour nous tous, ça collait rudement bien avec cette histoire de dharma, voyez comme le Bon Dieu et les services postaux font parfois bien les choses.

Ce livre s’intitule La fabrique de violence et a été écrit par le romancier et journaliste suédois Jan Guillou. Il s’agit d’un roman d’apprentissage dont l’action débute dans le Stockholm des années 0. Erik est un jeune homme de quatorze ans au tempérament bien trempé qui dirige une bande de petits voyous au sein de son école. Si Erik est parvenu à décrocher ce titre de chef de bande et s’il sait se faire respecter parmi ses semblables, c’est pour une seule et unique raison : il sait se battre. Mieux, il ne sait faire que cela. Alors que d’autres trembleraient à l’idée de devoir affronter Le Phare, colosse de l’école réputé imbattable, Erik n’hésite pas une seule seconde et va droit à l’affrontement, sûr de remporter chaque combat qu’il déclenchera ou auquel il sera mêlé. Et en effet, Erik gagne toujours. Il fait preuve d’une rage et d’une force qui pétrifient et terrorisent les autres élèves et tous se demandent comment un garçon de leur âge peut savoir se battre à ce point, tous s’interrogent sur ses capacités inouïes à anticiper et encaisser les coups.

C’est qu’Erik a un lourd secret. Et s’il est à ce point insensible aux coups et à la douleur, s’il est à ce point capable d’anticiper les réactions d’un adversaire lors d’un combat, c’est qu’il connaît les coups, la douleur et la peur mieux que quiconque. Victime d’un père violent et sadique, Erik est battu chaque jour au cours d’un rituel parfaitement rythmé, battu par un père totalement déviant qui jour après jour assène des coups à la limite du supportable à son fils aîné. Et chaque jour, Erik encaisse, parce qu’il n’y a pas d’autre choix, il encaisse le fouet, il encaisse les coups parfois jusqu’au sang, au point de perdre connaissance et de ne pouvoir quitter sa chambre des jours durant, il encaisse les coups et apprend à bien connaître la peur, une peur qu’il apprivoise à mesure qu’il mémorise ses rouages et les habitudes de son bourreau.

Suite à une bagarre de trop, Erik, dénoncé par les membres de sa propre bande, est viré de son établissement pour mauvaise conduite. Les portes de l’école publique se ferment définitivement pour lui et le courroux du père promet d’être sans précédent. Par chance, sa mère prend les devants et prend sans délai les mesures nécessaires pour faire envoyer Erik loin de Stockholm, dans un établissement privé.

Ainsi commence pour Erik une nouvelle vie, une vie sans violence et sans bagarres, car Erik ne veut plus jamais se battre, plus jamais, il s’en fait la promesse et jure solennellement de ne plus jamais recourir aux coups ni à la violence sous aucune forme. Ce qu’il ignore à son arrivée, c’est que cette école d’élite repose sur le principe de l’éducation mutuelle, un système d’éducation dans lequel les plus vieux élèves éduquent les plus jeunes en imposant leurs lois et leurs règles, ayant recours à des méthodes sur lesquelles les professeurs et dirigeants du collège ferment volontairement les yeux, au nom de ce principe d’éducation. En d’autres termes, l’arrivée d’Erik dans ce nouveau collège, qu’il prend au premier abord pour une sorte d’Eden où il trouvera la paix et la rédemption, n’est autre qu’une immersion aux confins de l’enfer, dans un contexte où la violence redevient hélas nécessaire à sa propre survie.

Entre humiliations, tortures, injustices, bizutages nocturnes et coups quotidiens, Erik découvre rapidement le fonctionnement hors norme de cet établissement de renom où les différends des élèves se règlent lors de combats déloyaux où tous les coups sont permis, où les enseignants assistent à ces accès de violence sans jamais réagir et où aucun n’élève n’oserait jamais remettre en question l’éducation mutuelle ni chercher à s’élever contre ses principes. Bien décidé à mettre fin à ce cauchemar, Erik va tenter de renverser ce système et sa hiérarchie et faire preuve d’une ténacité hors norme lorsqu’il sera confronté aux coups ou aux humiliations de ses aînés, mais renverser les fondements de ce système éducatif pervers s’avérera bien plus compliqué qu’il n’y paraît.

Bon, je vous la fais courte, précipitez-vous tout de suite chez votre libraire préférée ou sur n’importe quel site de vente en ligne de bouquins neufs ou d’occasion, bref, démerdez-vous mais achetez, empruntez, fauchez ce livre de toute urgence, c’est un ordre. C’est une histoire totalement époustouflante qui vous colle le stress et la chiale à intervalles à peu près réguliers et c’est tellement bien raconté que je vous jure qu’on s’y croirait, on se prend à flipper tout seul dans son salon quand les hordes de bourreaux doivent s’abattre dans les chambres des petits en pleine nuit, on ronge ses ongles et on a envie de scander à haute voix le nom du héros quand celui-ci affronte plusieurs adversaires lors d’un combat déloyal, on pleure quand les coups du père s’abattent une fois de trop sur lui et vraiment, vraiment, vraiment (si si, vraiment), c’est un livre putain de génial qu’il faut absolument lire et relire. Pour info, l’auteur s’est  inspiré de ses propres souvenirs d’adolescents, lui-même scolarisé dans un établissement régi par les lois de l’éducation mutuelle en son temps et ouais, savoir que tout cela a existé pour de vrai et qu’on a « éduqué » les enfants dans des circonstances aussi inhumaines et ignobles, encourageant les aînés à laisser libre cours à leurs perversions sur les plus jeunes élèves, ça a de quoi faire froid dans le dos. Mais même si c’est loin d’être marrant et carrément balèze à lire, c’est un bouquin qui vaut sacrément la peine d’être lu (remerciements infinis à Spike pour la découverte) (la prochaine fois que tu viens à la maison, t’auras double dose de Paris-Brest de paysan).

Voilà pour cette fois-ci, j’espère que mes petites chroniques de livres vont donneront envie de lire et d’acheter des livres.

 

    

 

 

 

 

 

1 thoughts on “My favourite book of all time #9

  1. Jeeves, faut pas trop en lire d’un coup, je trouve ça répétitif, à la longue.
    J’ai un souvenir ému de Plants VS Zombies, que j’ai fini (et c’est le dernier jeu auquel j’ai joué).
    Un bouquin très sérieux sur ce qui fut ici avant les Romains, avant même les Celtes (Gargantua, Mélusine, etc.) : Mythologie française de Henri Dontenville.

    Des bises.

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